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Aménagement urbain : Interview de M. PEMAN Juste Fourier, Directeur de l’Aménagement et de l’Urbanisme

Question 1 : Qu’est-ce que l‘aménagement urbain ?

Réponse 1 : Au sens de la Loi N°2004/003 du 21 avril 2004, Article 3,l‘aménagement Urbain c’est : <<l’ensemble des mesures législatives, réglementaires, administratives, techniques, économiques, sociales et culturelles visant le développement harmonieux et cohérent des établissements humains, en favorisant l’utilisation rationnelle des sols, leur mise en valeur et l’amélioration du cadre de vie, ainsi que le développement économique et social.>>.

Ainsi en assimilant une ville à une molécule dans laquelle les quartiers sont les atomes et les voiries et réseaux sont les différentes liaisons et les électrons les habitants ; On peut simplement dire qu’aménager une ville revient à configurer convenablement son espace et bien organiser son occupation en vue d’assurer le bien-être des populations de cette cité, conformément à la loi sus citée. Cette mission est principalement dévolue à l’Etat et aux Collectivités Territoriales Décentralisées (CTD).

Question 2 : Concrètement comment cela se fait ?

Réponse 2 : Ça se fait en 2 étapes :

1ere étape : sur le plan règlementaire (Stratégie).

La commune avec l’appui des services de l’Etat, élabore des documents de planification urbaine afin d’avoir une vision stratégique de l’évolution de la ville à moyen et/ou long terme. Et ceux-ci doivent être approuvés par les conseils municipaux concernés et l’autorité compétente.

2e étape : Sur le plan opérationnel (Tactique).

Dans ce cadre, la commune toujours avec l’appui des sectoriels, concrétise les prescriptions des documents de planification élaborés. Cela passe par la mise en œuvre des projets concrets d’aménagement et de développement; La délivrance des actes d’urbanisme d’occupation des sols et de construction ;La mise en place d’une police municipale pour lutter contre le désordre urbain ;

L’objectif global étant de maîtriser le développement de la cité dans les secteurs de l’habitat, des transports, des équipements et des activités.

Question 3 : Vous avez parlé de document de planification urbaine, qu’est-ce-que c’est exactement?

Réponse 3 : Ce sont des documents qui déterminent les conditions permettant, d’une part, de limiter l’utilisation de l’espace, de maîtriser les besoins de déplacements, de préserver les activités agricoles, de protéger les espaces forestiers, le patrimoine culturel, les sites et paysages naturels ou urbains, de prévenir les risques naturels et les risques technologiques, ainsi que les pollutions et nuisances de toute nature et, d’autre part, de prévoir suffisamment d’espaces constructibles pour les activités économiques et d’intérêt général, ainsi que pour la satisfaction des besoins présents et futurs en matière d’habitat et d’équipements publics.

En gros, ils permettent aux gestionnaires d’une ville d’avoir une vision stratégique à court, moyen et long terme de son développement. Ce sont : le Plan Directeur d’Urbanisme (PDU) ; le Plan d’Occupation des Sols (POS); le Plan de Secteur (PS) ; le Plan Sommaire d’Urbanisme (PSU). Et ils sont élaborés conformément au Décret N°2008/0736/PM du 23 Avril2008.

La ville de Bertoua dispose d’ailleurs d’un PDU et d’un POS datant de septembre 2012.

Question 4 : Et les actes d’urbanisme ?

Réponse 4 : Ce sont des actes administratifs opérationnels délivrés par la collectivité et permettant de maîtriser l’occupation des sols et des constructions dans une ville. Ce sont : le Certificat d’Urbanisme ;  l’Autorisation de Lotir ;  le Permis d’Implanter ;  le Permis de Construire ; le Permis de Démolir ; le Certificat de Conformité. Leur délivrance est encadrée par des commissions spécialisées, créées à cet effet.

Question 5 : Le permis de construire spécifiquement, c’est quoi et quelle est son importance ?

Réponse 5 : Toujours au sens de la Loi sus citée, c’est un acte administratif qui autorise une construction après vérification de sa conformité avec les règles de l’art et les règles d’urbanisme en vigueur.

Et quiconque désire entreprendre une construction, même si celle-ci ne comporte pas de fondation, doit, au préalable, obtenir un Permis de Construire délivré par le Maire de la Commune concernée ou le Délégué du Gouvernement pour une Communauté Urbaine ; Et la non-présentation d’un permis de construire ou d’implanter est considérée comme infraction au titre de la loi de 2004 régissant l’urbanisme au Cameroun. Donc  avant de construire, faut toujours se rapprocher de la collectivité autorisée afin d’obtenir son permis.

Question 6 : Comment faire pour l’obtenir et quels conseils donnez-vous à ceux qui veulent construire dans la ville de Bertoua, surtout que nous observons que la ville est en pleine construction ?

Réponse 6 : C’est simple, qu’ils se rapprochent premièrement de la Direction des services techniques de Communauté urbaine qui leur fournira les modalités d’obtention ainsi que le listing des pièces (administratives, techniques et financières) constituant le dossier de demande du permis conformément au Décret N°2013/0042/PM du 23 Janvier2013, complétant les règles d’utilisation du sol et de construction. Ceci est d’autant plus important dans la mesure où la ville de Bertoua dispose d’un PDU et d’un POS. Donc tout espace de la ville dispose d’un règlement à respecter lors de la réalisation d’une construction. Ainsi en vous rapprochant de ces services, ils vous fourniront les informations sur la constructibilité de votre terrain, si une voie est prévue sur votre lot, le recul à imposer, ou quel type de construction est prévu dans votre zone ; Toutes ces informations seront notamment contenues dans le certificat d’urbanisme.

Ensuite, qu’ils se fassent assister sur le volet technique par un professionnel de la construction inscrit au tableau de son corps d’état (ONIGC, ONAC, ONUC etc …) qui montera leur dossier de demande selon les règles de l’art ;

Enfin, le dossier monté, qu’ils le déposent au service du courrier de la Communauté Urbaine pour l’obtention du récépissé de dépôt ; En attendant la remise ou non du permis sous un délai de traitement maximal de 30 jours.

Concernant les autres actes(permis d’implanter, autorisation de lotir, permis de démolir, etc…), la procédure est la même à l’exception du délai de traitement et la composition du dossier de demande.

Mais j’insiste surtout sur l’assistance technique par un professionnel afin d’éviter les surprises désagréables tant au niveau de la conception du projet (Mauvaise étude) qu’au niveau de sa réalisation (Mauvaises dispositions constructives).

Question 7 : Plus globalement les villes camerounaises souffrent aujourd’hui d’une mauvaise urbanisation, quelles en sont les causes et quelles peuvent être les pistes de solutions ?

Réponse 7 : La mauvaise urbanisation est une réalité, d’ailleurs selon le MINHDU plus de 60 % de l’environnement de nos villes est sous-structuré. Les causes à ce phénomène sont nombreuses mais je parlerai ici des majeures.

D’abord, il y a eu les Plans d’Ajustement Structurel des années 90 qui ont contraint les pouvoirs publics à abandonner les investissements dans l’aménagement des villes pour d’autres secteurs ‘’prioritaires’’ ceci pendant plus d’une décennie ; Ce n’était pas de leur faute, c’est juste que cela a favorisé l’étalement urbain et le développement anarchique de nos grandes villes à l’instar de Douala et de Yaoundé ; surtout que pendant cette période il n’existait pas vraiment un cadre règlementaire fort permettant le contrôle de l’occupation urbain. Ce n’est qu’en 2004 que le gouvernement s’est doté d’une véritable loi pour gérer l’aménagement urbain.

D’autre part, beaucoup de CTD n’appliquent pas encore les dispositions légales régissant l’urbanisme. Si l’on prend ne serait-ce que le cas de la délivrance des actes d’urbanisme, peu de CTD ont déjà mis en place les commissions de délivrance desdits actes et les font fonctionner normalement ! Conséquences, les gens construisent n’importe comment sans respecter les règles de l’art. Pourtant les communes tirent une partie de leurs ressources des taxes prélevées sur la délivrance de ces actes d’urbanisation, ce qui pourrait constituer de facto une source de revenus pour elles.

Enfin, peu de CTD disposent de la main d’œuvre qualifiée et rompue au métier de l’aménagement urbain. Combien d’ingénieurs, architectes, consultants travaillent avec les CTD ? Trop peu ; Ce qui est paradoxale, puisque ces professionnels sont des forces de proposition et des outils d’aide pour les gestionnaires de ville .Donc il y a un effort à faire sur ce point.

Mais à cela, on peut également ajouter l’incivisme de certaines populations qui manifestement n’aiment pas se conformer à la législation. Ce qui est regrettable puisqu’au finish c’est celui qui a ses actes qui est totalement protégé. Malheureusement ce n’est que lorsqu’il y a des opérations de casses ou de déguerpissements qu’on comprend tardivement leur importance. Donc j’invite vivement tous ce qui veulent construire à acquérir au préalable leurs actes. Mais faudrait aussi que les communes sensibilisent les populations parce que beaucoup sont ignorants.

Question 8 : Parlant de rôle, quel est celui d’un ingénieur dans une collectivité ?

Réponse 8 : Son rôle est tellement grand ;

D’abord, il joue le rôle de conseiller technique dans ce sens qu’il assiste les élus locaux dans la gestion technique de leur commune, c’est ce qu’on appelle l’Assistance à la Maîtrise d’Ouvrage (AMO) ;

Deuxièmement, il a un rôle de manager et gestionnaire de projets, dans ce sens qu’il monte les projets communaux pour leur éventuel financement par des organismes tels que le FEICOM, le PNDP, le MINEPAT via le BIP ou sur Fonds Propres de la collectivité ; Et suit également leur réalisation.

Enfin, il est chargé d’implémenter dans la commune, les textes et dispositions légales régissant l’aménagement urbain contenues notamment  dans le code de l’urbanisme, des marchés publics, de l’environnement, des domaines et du droit foncier etc…

Raison pour laquelle, l’ingénieur territorial doit être conscient qu’il a une responsabilité morale et sociale envers sa collectivité.

En somme, la ville idéale dans 25 à 30 ans sera semblable à une ville-jardin intelligente, une« Smart city garden ».

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